Programme des rencontres scientifiques
- Structures comptables et pouvoirs
- Contrôler les comptes au Moyen Age
- Ce que compter veut dire
- De l'autel à l'écritoire
Les journées d’études inaugurales du programme Anr GEMMA ont été organisées les 21-22 juin 2011 à l’université de Chambéry. Il s’agissait, sous le titre « Structures comptables et pouvoirs » de dresser un état de ce que l’on sait. Comment dans chacun des espaces politiques considérés, dans toute leur diversité, Etats de Savoie, Dauphiné, Provence, Venaissin, s’articulent sur trois siècles la tenue de la comptabilité des recettes et des dépenses ? Sur quelles logiques reposent les systèmes adoptés ? Comment s’agencent les divers échelons des pyramides – si le mot est pertinent – comptables ? Cette séance avait donc une forte connotation prospective. Elle nécessitait des comparaisons avec d’autres espaces de la chrétienté et servait à guider les travaux futurs des chercheurs adhérents au programme.
Les deuxièmes journées d’études se sont déroulées les 23 et 24 février 2012 à l’université d’Avignon. Elles ont porté sur l’audition des comptes, un questionnement incontournable à une époque où le trucage éhontée des comptabilités bancaires a jeté sur la scène publique la question des manipulations auxquelles ces pratiques peuvent donner lieu. L’importance acquise par l’écrit comptable, la mise au point de comptes officiels, sinon publiés du moins validés par la hiérarchie, visent a priori à sanctionner des processus de mystification qui créent des équilibres rassurants là où existent des déséquilibres de fait. En des temps, les trois derniers siècles du Moyen Âge, où les budgets sont obérés par un allongement des délais de perception des recettes, où les déficits se creusent, des mécanismes nouveaux de gestion de la dette se mettent en place. L’étude des contrôles, de leur périodicité, des techniques mises en œuvre, des justifications et des rites qui se sont progressivement construits doit permettre de mieux comprendre le fonctionnement des logiques qui conduisent du journal de caisse à un exercice comptable mis en forme, censé synthétiser toute une série d’opérations autant que justifier l’existence de corps d’officiers spécialisés. Les travaux sur les Chambres des comptes ont ouvert des pistes stimulantes qui devaient être confrontées avec d’autres recherches, à différents niveaux des hiérarchies comptables, pour appréhender l’efficacité de tels contrôles et la construction progressive d’une comptabilité comme instrument de pouvoir, susceptible de structurer le comportement des sujets, autant que celui des corps en pleine expansion d’officiers du prince.
Le 18 décembre 2012, l’organisation d’une journée relative à la narrativité dans les comptes : « Ce que compter veut dire. Le discours comptable du XIIIe au XVe siècle (principautés, monarchies et villes occidentales) » a été assurée à l’université de Grenoble 2. Comptes et comptables ne se contentent pas en effet d’aligner des calculs et de donner des quitus : ils usent d’un discours aux vastes implications techniques, juridiques et politiques, qui demeure un champ de recherches encore largement inexploré. Afin d’aborder la question du formatage du discours autant que la part de liberté laissée au rédacteur, il importait d’identifier les auteurs, les destinataires et utilisateurs de ces écrits, qu’il convenait aussi de croiser avec d’autres préoccupations fondamentales de l’historiographie actuelle, le discours politique véhiculé par les milieux de chancellerie.
Les 13 et 14 juin 2013 un colloque est organisé à l’université d’Aix sur un vaste thème : « De l’autel à l’écritoire : aux origines des comptabilités princières en Occident (XIIe-XIVe siècle) ». La tenue des comptes en Dauphiné, Savoie, Provence et Venaissin entretient d’étroites relations avec les milieux marchands italiens, avec les milieux dirigeants des grandes villes et avec les hiérarchies ecclésiastiques, selon des modalités et une chronologie qui restent à éclaircir. Le rôle de la matrice ecclésiastique est dans cette perspective tout particulièrement en friche. Le développement d’une fiscalité pontificale a imposé aux évêques et aux chapitres cathédraux, qui en sont les relais locaux, la mise en place d’une comptabilité spécifique. La place des clercs séculiers dans les premières institutions comptables princières et le rôle d’un personnel de notaires et de scribes issus de leur entourage, avec en retour la présence de nombreux collaborateurs du prince dans le clergé, doivent nourrir une enquête d’histoire sociale de l’institution comptable. Le développement parallèle des juridictions communales, le fait que la fiscalité princière finisse par peser essentiellement sur les villes impliquent parallèlement de prendre également en considération les rôles joués par certaines fractions des sociétés urbaines, y compris sur le plan idéologique, dans l’élaboration des comptes.
Les équipes marqueront ensuite une courte pause dans la progression, afin de mieux préparer la réunion conclusive qui sera organisée en septembre 2014 et s’achèvera, par un retour critique sur l’objet étudié, i.e. sur la manière dont les pratiques comptables se transmettent à l’intérieur de ces principautés, mais aussi entre elles. Cette dimension, la circulation de modèles comptables en quelque sorte, pourra à ce stade de la recherche aboutir à des conclusions qui ne s’en tiendront plus à l’évocation de probables influences. Cette rencontre doit déterminer comment ont évolué les espaces retenus pour l’étude par rapport à leurs environnements immédiats, d’appréhender dans quelles mesures la tenue des comptes a généré des mécanismes originaux, a évolué en parallèle ou s’est lentement sclérosée dans d’immuables pratiques, déconnectées des évolutions techniques du monde alentour.