Les comtés de Provence et de Forcalquier

Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que l’appellation de Provence commence à renvoyer à une réalité politique précise, désignant d’abord le comté échu à la maison comtale de Barcelone en 1113. Entre 1125 et 1190, ses contours sont définis par une série de conventions avec le comte de Toulouse, possessionné dans la basse vallée du Rhône, et avec celui de Forcalquier, qui développe son autorité au même moment sur la rive droite de la Durance. En 1162, ses relations avec l’Empire sont formalisées : les comtes de Provence, relevant du royaume de Bourgogne ou d’Arles, doivent l’hommage à l’empereur. Dès le XIIIe siècle, les contours territoriaux du comté de Provence sont bien perçus par les contemporains : « Le terme de Provence s’étend du Rhône et de Tarascon jusqu’à La Turbie dans le sens de la longueur, et en largeur, de la Durance jusqu’à la mer » souligne une sentence arbitrale de 1230. L’ultime comte de Provence issu de la Maison de Barcelone, Raymond Bérenger V (1216-1245), est aussi le premier à porter également le titre de comte de Forcalquier, par héritage maternel. Les deux comtés de Provence et de Forcalquier demeurent désormais unis en une même main et, malgré un intermède qui donne à la comtesse douairière Béatrice de Savoie le gouvernement du comté de Forcalquier de 1248 à 1256, sont ainsi dévolus à la première maison d’Anjou qui succède à la Maison de Barcelone à partir de 1246 en la personne de Charles, frère de Louis IX de France. La première maison d’Anjou règne jusqu’en 1382, avec Charles d'Anjou (1246-1285), Charles II (1285-1309), Robert (1309-1343) et Jeanne Ire (1343-1382), et unit au titre comtal une couronne, lorsque Charles d'Anjou se trouve investi par le pape du royaume de Sicile à compter de 1265. Elle cède la place à une seconde lignée angevine, issue des Valois, avec Louis d’Anjou (1382-1384) et ses successeurs, Louis II (1384-1417), Louis III (1417-1434), René (1434-1480) et Charles III (1480-1481).

Au regard des méthodes administratives, les deux périodes angevines sont les mieux documentées, marquant ainsi le développement d’une administration centrale structurée autour du sénéchal et de son conseil, du juge mage, des juges d’appel, des maîtres rationaux et des rationaux, du receveur du fisc et du trésorier, avec notamment la constitution entre 1288 et 1297 d’une Chambre des comptes de Provence. La Grande cour de Naples dispose de nombreuses attributions et l’on voit ses maîtres rationaux agir en Provence encore dans les premières décennies du XIVe siècle. L’administration locale se structure autour de cours royales dotées d’un viguier ou baile, d’un juge et d’un clavaire, et d’un personnel de notaires, crieurs, sergents, courriers et bourreaux. La documentation comptable conservée aujourd’hui aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône consiste en comptes et pendants (relevés confiés au successeur en sortie de charge) des clavaires, en comptes particuliers de recettes (péages, droits de pâturage, droits sur les communautés juives) et de dépenses, en rationnaires généraux (grands livres synthétisant les données issues des comptes locaux).

Thierry Pécout

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